Empreinte de livre

Plâtre, moulage alginate. Dimensions variables (échelle 1)

Date

Décembre 2020

Article associé :

« L'intime mémoire chez Rachel Whiteread : une chambre à soi »

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“La technique de moulage employée par l’artiste fait naître une inévitable dialectique du dedans et du dehors. L’espace intime de la chambre est extimé au même titre que son habitant est conduit à son seuil. L’image bachelardienne de la coquille, si elle dialectise l’objet-chambre, tend également à dialectiser l’être qui l’habitait jusqu’alors. Conduit hors de la chambre, le spectateur des œuvres de Rachel Whiteread comprend la dimension sociale de ces pièces. Ainsi, dans un deuxième temps, la sculpture incarne la construction d’une conscience sociale du lieu, de soi et des autres. Notons, par ailleurs, que ce travail permet aussi à l’artiste de se constituer socialement en tant qu’artiste sculptrice puisqu’en 1993, elle est la première femme à obtenir le Turner Prize avec son oeuvre House (conçue selon le même procédé que Ghost en 1990). Enfin, ces chambres – et les lieux qu’elles ouvrent et referment – interrogent la mémoire et les affects qui les hantent. Oscillant entre dénuement autoréférentiel et mise en énigme vivace, elles réifient un lieu ambigu où l’empreinte devient libératrice. [...] Les moulages de Rachel Whiteread résultent d’une technique de contact qui imprime l’intérieur de l’intérieur : le moulage est un superlatif technique qui sied bien à l’intimité propre de ces chambres. De l’ordre d’une reproduction unique (il n’y a pas de série déclinée depuis un même moule), le moulage réalise un processus de génération par contact et d’extraction d’un invisible intérieur plutôt qu’une reproduction mimétique qui, implicitement, cacherait un invisible. [...] Jeux de renversement et de réversibilité, les moulages de l’artiste britannique travaillent à un autre type de dialectique : dialectique de l’observateur et de l’observé, du contemplatif et du contemplé, de ce que nous voyons et ce(lui) qui le regarde. Le spectateur des moulages de Rachel Whiteread se tient comme face à une coquille. Si cette dernière est chez Bachelard associée au mollusque qui l’habite après l’avoir générée, elle est polysémique : enveloppe dialectique, elle réfère tantôt à l’intérieur de la maison, tantôt à une membrane extérieure. Solide – de calcaire ou de béton – l’imagination la préfère fendue et fissurée. Elle est enfin le fossile qui garde l’empreinte de la vie biologique (à l’image des traces palimpsestes et factices que l’artiste reproduit sur les murs de Untitled (Room)).”

Extrait de Barbara Bourchenin« L’intime mémoire chez Rachel Whiteread : une chambre à soi », dans Marie Escorne (dir.), La chambre et les arts : l’intime au défi, Cahiers d’Artes, n° 17, Pessac, Presses Universitaires de Bordeaux, 2022, pp. 79-97.